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Histoire de la Provence

Histoire de la Provence

Ce serait l'une des régions les plus anciennement peuplées d'Europe. La position de la Provence avec sa large façade ouverte sur la mer Méditerranée, et le passage du Rhône, voie fluviale essentielle pour communiquer du nord et au sud de l'Europe explique l'importance de son histoire à travers siècles et millénaires.

Préhistoire

Il semblerait que la Provence et ses confins soient classés parmi les régions les plus anciennement habitées d'Europe, comme en témoignent les prospections érudites et fouilles fréquentes. Le plus ancien habitat cavernicole connu en Europe se situe à Roquebrune-Cap-Martin dans les Alpes-Maritimes et plus précisément à la grotte du Vallonnet, où une présence humaine y est attestée vers 950 000 av. J-C. Sautons un pas de 150 000 ans et retrouvons-nous dans la grotte de l'Escale à Saint-Estève-Janson, une petite commune située non loin d'Aix-en-Provence, où l'homo erectus maîtrise déjà le feu...

Au Paléolithique moyen et supérieur, les chasseurs cueilleurs témoignent de leur passage en nous abandonnant quelques restes, assez nombreux d'ailleurs, de leurs habitats rupestres ou encore des sépultures de leurs morts. L'homme se sédentarise entre le VIe et le Ve millénaire, la céramique et les activités agropastorales font leur apparition. Courthezon, dans le Vaucluse, est le plus ancien site néolithique de France. Il a été daté du VIe millénaire avant notre ère. Pour la première fois, ses habitants, qui ont quitté grottes et abris pour s'installer en plaine et construire des cabanes, pratiquent l'élevage et l'agriculture. Ces premiers Provençaux se livrent déjà, comme le feront leurs lointains descendants, à l'élevage du mouton. Le troisième millénaire voit se multiplier les petites agglomérations.

De nombreux oppida marquent l'âge de fer. Un bon nombre de ceux-ci est connu, depuis la ferme-grenier de Coudounéu à Lançon ou le Baou Roux près de Roquefavour, jusqu'à la Cloche ou Constantine sur les hauteurs de l'Etang de Berre. Vers 600 ans av. J.-C., Massalia (Marseille) voit le jour avec l'arrivée d'un groupe de colons de Phocée (ville grecque d'Asie Mineure), alors à la recherche de débouchés dans le commerce de l'étain, nécessaire à la fabrique du bronze. La petite flotte phocéenne s'établit dans l'anse profonde du Lacydon avec l'accord des indigènes.

Très vite des comptoirs furent créés  : Nikaïa (Nice), Théliné (Arles), Agathea (Agde) etc. En même temps que le commerce, la ville de Massalia développe des foyers de culture et d'enseignement qui drainent vers elle l'élite intellectuelle de l'époque. Si elle n'avait eu un tel rayonnement, elle n'aurait pu, au IVe siècle avant J.-C. lancer les expéditions d'Euthymènes vers le delta du Niger, le long des côtes d'Afrique et surtout celle de Pythéas parti à la recherche d'un éventuel passage vers la mer Noire pour ouvrir peut-être une autre route de l'ambre et de l'étain ; deux années d'efforts en vain.

Antiquité

Les Grecs, trop conquérants au goût des indigènes, s'attirent les hostilités. Ils font appel aux Romains pour les aider à maintenir leur assise. Rome voit là une bonne occasion de sécuriser la route qui mène en Espagne, pays qu'elle a déjà soumis. En 122 avant J.-C., le consul Caius Sextius Calvinus prend la capitale des Salyens, Entremont, et installe à quelques kilomètres de là, près d'une source thermale, un camp qui devient rapidement une ville : Aquae Sextias, les " eaux de Sextius " (Aix-en-Provence).

La présence romaine va s'accélérer avec l'arrivée de Jules César. La Provincia Romana, qui donnera son nom à la Provence, va peu à peu tomber sous la coupe du dictateur, qui assiège Marseille en 49 avant J.-C.

Malheureusement, César ne se contentait pas d'être un excellent général  ; en rivalité avec Pompée pour le gouvernement de Rome, il pensait que des succès militaires lui donneraient plus de poids dans la péninsule. Il avait certes raison, mais le monde romain s'impliqua dans cette lutte fratricide, prenant parti pour l'un ou pour l'autre des protagonistes  ; Massalia choisit et perdit car son soutien alla vers Pompée, le vaincu.

Toute la situation politique et économique bascula après ces événements, César étant rancunier ! La Provincia Romana eut pour capitale la ville d'Arles, qui lui avait été fidèle.

La Pax Romana, qui débute à ce moment-là et continuera pendant plus de trois siècles à régner sur la région, favorise le développement du commerce et des arts. Les grandes routes se succèdent  : la voie Domitienne part de la frontière espagnole, longe la Méditerranée (site d'Ambrussum près de Montpellier), traverse le Rhône à Arles ou à Ernaginum (Saint-Gabriel), et suit l'actuelle Nationale 100 par Apt (Colonia Apta Julia), Sisteron (Segustero) et Briançon.

Elle porte le nom de Domitien Aenobarbus, son initiateur dont le souvenir nous est conservé par la tour Embarbe à Céreste (Alpes-de-Haute-Provence). Même chose pour la voie Aurélienne de Menton à Bordeaux par Fréjus, Aix, Arles et Narbonne. Nombreux sont les fragments qui sont parvenus jusqu'à nos jours, comme le superbe pont Flavien près de l'Etang de Berre, aux portes de Saint-Chamas. Ce n'est pas l'Empereur Aurélien qui donna son nom à la voie, mais C. Aurélius Cotta qui en 241 avant J.-C. avait développé son tracé.

Il est certain que dans un pays pacifié, aux communications faciles, la vie agréable se développe, on construit, on réalise, on s'installe : tout l'environnement provençal en est baigné, et nous vivons quotidiennement parmi ces vestiges. Le fameux Panem et circenses (du pain et des jeux) est illustré près d'Arles  : la meunerie romaine de Barbegal près de Fontvieille (découverte par Fernand Benoît) n'est pas éloignée des Arènes et du théâtre antique d'Arles.

Non loin de là, la magnifique cité de Glanum, à Saint-Rémy-de-Provence, était un lieu de résidence privilégié dont l'entrée était marquée par un superbe Arc de triomphe ainsi que par un mausolée  : on les connait sous l'appellation des Antiques. Citons encore, l'arc de triomphe d'Orange, ceux de Cavaillon ou de Carpentras. Les thermes faisaient partie de la vie courante, voyez à Arles ou à Gréoux (Alpes-de-Hautes-Provence).

N'oublions pas le théâtre d'Orange ou celui de Vaison-la-Romaine, où sous l'impulsion de l'abbé Sautel, toute une ville est ressortie de terre. On ne prête qu'aux riches, affirme-t-on, et dans notre région tous les ponts sont romains  ; nous pensons que cette opinion est un peu exagérée, mais on peut tout de même leur attribuer sans hésiter la paternité du pont Julien sur le Calavon près d'Apt, du pont de Ganagobie près de Lurs en Haute-Provence, et surtout du pont de Vaison sur l'Ouvèze.

A la même époque se situe l'apparition du christianisme, venu de Palestine, qui se répand très vite dans tout l'Empire romain. La légende ne veut-elle pas que Marie-Jacobé et Marie-Salomé, deux chrétiennes proches de Jésus, soient arrivées avec leur servante Sara aux Saintes-Maries-de-la-Mer pour fuir les persécutions en Palestine ? L'évangélisation connaît en tout cas un essor fulgurant et les clochers se dressent par centaines aux passages de Maximin et Marie-Madeleine vers la Sainte-Baume, Marthe à Tarascon, Lazare et Victor à Marseille, où la fondation d'une abbaye, face à la ville Antique de Massilia annonce un essor fulgurant de cette religion et de sa culture.

L'abbaye de Saint-Victor, fondée au Ve siècle, en est la source, et ses murs toujours debout accueillent chaque année les cérémonies de la Chandeleur ou le festival de musique.

Moyen-âge

Après la grande peur de l'An Mil, les champs virent fleurir d'admirables abbayes et d'émouvantes petites chapelles de campagne, toutes marquées du style roman, directement issu des monuments de l'époque romaine. Tout le monde connaît, au moins de réputation, les " Trois Soeurs cisterciennes de Provence ".

L'austérité voulue par saint Bernard s'accommode à merveille de la sobriété des formes géométriques très simples de ces abbayes que l'on ne doit en aucune façon ignorer lors d'un voyage ou d'un séjour en Provence  : Sylvacane, près d'Aix-en-Provence, Sénanque, tapie dans un profond ravin sur la commune de Gordes, Le Thoronet enfin, près de Brignoles dans le Var, peut-être la plus belle des trois. Il ne faut pas oublier lors d'une visite de ce cloître, de s'arrêter au lavabo des moines, rare construction du Moyen Age, qui a disparu dans les autres monuments. Sur le chapitre des abbayes, citons aussi Montmajour, près d'Arles.

C'est un des plus attachants ensembles de l'architecture monastique par sa situation, sur un socle rocheux, ancien îlot au coeur des marécages que les moines asséchèrent eux-mêmes en construisant des canaux de drainage préalablement à l'abbaye. Le cloître du plus pur style roman n'est pas sans rappeler celui de Saint-Trophime d'Arles.

Des abbayes, nous passons aux églises. A celles d'Arles nous joindrons l'ancienne abbatiale de Saint-Gilles dont le portail richement sculpté rappelle également celui de Saint-Trophime. A cette explosion artistique du second millénaire correspondent évidemment de grands bouleversements historiques.

Le pays et ses habitants sortent de plusieurs siècles d'insécurité, parfois d'horreurs et de massacres dus aux grandes invasions. Parallèlement aux constructions religieuses initiées par le fort mouvement spirituel des communautés monacales, se développe une architecture civile et militaire, nécessaire aux combats de chefs. Malheureusement, si la paix extérieure était à peu près rétablie, les divers nobles de la région avaient alors toute liberté de lutter entre eux pour établir leur prépondérance.

La Provence a dès lors été tiraillée entre les comtes de Toulouse ou de Provence, puis la maison d'Aragon et celle d'Anjou  ; sans parler de la croisade des Albigeois (causée par l'hérésie cathare) qui ne toucha que de loin notre région. Il ne faut pas oublier les Croisades dans ces combats. Elles furent pour le Midi une source immense de richesses car les bords de la Méditerranée - et surtout Marseille - étaient les ports d'embarquement de tous les seigneurs de France et d'Europe  : les Anglais, les Flamands et tout l'Empire germanique ont participé à ces guerres et sont passés par le Midi, achetant non seulement leur passage, mais beaucoup d'équipements, que leur fournissaient, en commerçants avisés, toutes les entreprises locales. Il est évident que tous ces seigneurs qui sur les terres lointaines avaient vu des constructions nouvelles et des habitudes de vies différentes voulurent les transposer à leur retour, dans leur vie de tous les jours.

De là sortit de terre toute une floraison de châteaux militaires, mais aussi d'agrément. Toutes les hauteurs en furent fleuries, ce qui explique la présence sur les collines de ces pans de murs aveugles où tournoient les corneilles. Oppède, Buoux, Boulbon, Roquemartine, ne sont plus que des ruines désolées... et les Baux  ? Tous les contrastes se retrouvent ici  : un site sauvage, des ruines romantiques et l'évocation des combats " d'une race d'aiglons, jamais vassale, qui de la pointe de ses ailes a frôlé le sommet de toutes les hauteurs ", ainsi que les a présentés Frédéric Mistral. Dans le même site, vous rêverez de ces cours d'Amour, que tenaient les belles dames, Bertrande, Etiennette, Douce ou Gersende dans cette langue " qu'autrefois les reines ont parlée et jusqu'à présent, nos pâtres seuls comprennent ", toujours dixit Frédéric Mistral.

Et la Provence est couverte de ces châteaux d'agrément  : leur état varie suivant la chance qu'ils ont eu de rencontrer un amoureux de leur site qui les a restaurés ou de demeurer dans une famille qui les a entretenus. Pêle-mêle voici Lourmarin, Barbentane, l'Empéri à Salon, Tarascon, Ansouis, La Barben, Vauvenargues, Valbelle près de Brignoles, Entrecasteaux, la Tour d'Aigues...

De la Renaissance à la Révolution

En 1482, après la mort du roi René, la Provence est rattachée à la France. C'est sans compter le caractère si fièrement frondeur de la région qui ne veut pas se soumettre au bon vouloir du roi de France. A la demande des Etats de Provence, Charles VIII s'engage d'ailleurs en 1486 à maintenir les privilèges de la Provence et à proclamer son union à la Couronne sans qu'elle soit " aucunement subalternée ". Dès lors, les élites n'auront de cesse de défier le pouvoir royal. Lors des guerres de Religion, au XVIe siècle, ce n'est pas un hasard si la Provence accueille bon nombre de protestants, soutenus bien souvent par ses élites, pas insensibles à leurs idées...

Au siècle suivant, le parlement refuse d'enregistrer l'édit royal ne permettant plus aux Etats de Provence de lever l'impôt au profit des agents de la Couronne... Entre 1635 et 1720, ce ne sont pas moins de 266 insurrections qui éclatent en Provence ! Richelieu puis Mazarin musèleront la rebelle, les deux cardinaux n'étant pas prêts à laisser filer cette ouverture sur la Méditerranée... Mais la Révolution française donna encore l'occasion à la Provence d'élever la voix du désaccord : Marseille ne fut-elle pas rebaptisée " ville sans nom " en 1794 ?

De la Révolution au XXIe siècle

Le Second Empire fut une période faste. La technique vient en aide à l'agriculture  : la création de nombreux canaux d'irrigation dans le comtat et la Provence développe une foule de cultures maraîchères que le chemin de fer, tout neuf, livrera à grande vitesse dans la région parisienne. Ce même chemin de fer au service de Marseille, transportera partout les produits industrialisés traditionnels  : les savons - dont la fabrication à Marseille remonte au XIIIe siècle par un procédé mêlant l'huile d'olive et le sel marin - et les huiles d'olives, produites dans la ville par une cinquantaine d'huileries, auxquelles il faut joindre la stéarinerie et le début du travail des graisses végétales que les navires des premières compagnies maritimes importent de la côte d'Afrique. Sans oublier le sucre des raffineries Saint-Louis (les seules du Midi de la France) et les tuileries de Marseille.

Ces activités florissantes entraînent la modernisation de Marseille : on perce la rue Impériale (devenue la rue de la République) en séparant l'ancienne butte des Moulins de celle des Carmes ainsi que la rue Colbert. On abat les quartiers vétustes entre le cours Belsunce et la Canebière où avaient subsisté des noms pittoresques comme la rue Pierre-qui-Rage, mais qui avaient été aussi le point de départ des dures révoltes de 1848. Qu'importe  ! On fait du neuf  !

On va chercher sur la Durance de l'eau propre pour la ville de Marseille. Pour le passage de cette eau, on construit l'aqueduc de Roquefavour (inspiré du Pont du Gard et, encore aujourd'hui plus grand aqueduc en pierre du monde avec ses 400 mètres de long et ses 83 mètres de haut !) et on élève sur la colline de Longchamp, un vaste château d'eau flanqué d'une galerie semi-circulaire et de deux corps de bâtiments en pierre de Calissanne  : les musées des Beaux-Arts et des Sciences naturelles.

L'architecte de Roquefavour était Franz Mayor de Montricher, celui du Palais Longchamp, Espérandieu, à qui on doit également la basilique Notre-Dame-de-la-Garde, la Vierge ou la " Bonne Mère ", comme l'appellent familièrement les Marseillais.

Dans le même style romano-byzantin, Espérandieu a signé aussi la cathédrale Notre-Dame-de-la-Major. Vaste, ornée de brillantes mosaïques renforçant son caractère méditerranéen, elle trouve sa place au milieu des ports, sur un site millénaire illustrant parfaitement la vocation de la ville.

Mais la capitale provençale n'est pas la seule à profiter de cette prospérité. A Fontvieille, dans les Alpilles, l'exploitation des carrières s'intensifie. Ces pierres blanches traversent les continents et les océans car elles correspondent au style de construction de l'époque : le style haussmannien. A quelques kilomètres de là, Saint-Rémy-de-Provence, dont la richesse est liée au commerce de semences, est la première ville des Bouches-du-Rhône à disposer de l'électricité en 1899.

De nos jours

Après la chute de l'Empire et sous la IIIe République, l'industrialisation se poursuit. Le dur travail du savon et du sucre est accompli par les nombreux immigrés attirés par la prospérité de la ville  : Italiens dans les années 1900, ou 20 ans plus tard, par les Arméniens.

Ces deux nationalités, deux décennies plus tard, sont assimilées par Marseille comme d'ailleurs, toutes celles, qui, au fil des âges, ont formé la population de la cité. Deux éléments de la vie quotidienne ont facilité cette assimilation  : en premier, la pétanque, jeu de boules inventé au début du siècle qui a conquis la planète entière  ; le second, le football, pratiqué depuis plus d'un siècle (l'O.M. a été fondé en 1899 !).

La Première Guerre mondiale stoppa, comme partout en France, durablement l'économie, même si les constructions navales et les premières raffineries de pétrole autour de l'étang de Berre voient le jour dans les années 1930. Neuf ans plus tard, la France entre à nouveau en guerre. Après la débâcle de 1940, la Provence, en zone libre, va être une des zones essentielles de la Résistance. C'est là qu'en 1942 Jean Moulin se fait parachuter pour organiser les rangs. Deux ans plus tard, le débarquement du 15 août 1944 reste l'un des retournements majeurs de la Deuxième Guerre mondiale.

Après l'essor des Trente Glorieuses, la Provence va connaître, comme le reste de la France d'ailleurs, une longue traversée du désert, marquée par un chômage important. Mais l'essor du tourisme relance l'économie. La diversité de ses paysages, le climat, la richesse de son patrimoine font de la Provence la destination préférée des touristes français et étrangers. Chaque année, ce sont plus de 35 millions de vacanciers qui posent leurs valises dans le Midi. Certains définitivement. Car la Provence, c'est aussi l'une des régions au plus fort solde migratoire. Sous l'impulsion de pôles de compétitivité à la pointe dans les nouvelles technologies, l'agroalimentaire, l'aéronautique mais aussi de grands chantiers tel qu'Euroméditerranée ou Marseille capitale européenne de la culture, la Provence regarde l'avenir avec sérénité.

Histoire

Ce serait l'une des régions les plus anciennement peuplées d'Europe. La position de la Provence avec sa large façade ouverte sur la mer Méditerranée, et le passage du Rhône, voie fluviale essentielle pour communiquer du nord et au sud de l'Europe explique l'importance de son histoire à travers siècles et millénaires.

Préhistoire

Le Monde Souterrain

Il semblerait que la Provence et ses confins soient classés parmi les régions les plus anciennement habitées d'Europe, comme en témoignent les prospections érudites et fouilles fréquentes. Le plus ancien habitat cavernicole connu en Europe se situe à Roquebrune-Cap-Martin dans les Alpes-Maritimes et plus précisément à la grotte du Vallonnet, où une présence humaine y est attestée vers 950 000 av. J-C. Sautons un pas de 150 000 ans et retrouvons-nous dans la grotte de l'Escale à Saint-Estève-Janson, une petite commune située non loin d'Aix-en-Provence, où l'homo erectus maîtrise déjà le feu...

Au Paléolithique moyen et supérieur, les chasseurs cueilleurs témoignent de leur passage en nous abandonnant quelques restes, assez nombreux d'ailleurs, de leurs habitats rupestres ou encore des sépultures de leurs morts. L'homme se sédentarise entre le VIe et le Ve millénaire, la céramique et les activités agropastorales font leur apparition.

Courthezon, dans le Vaucluse, est le plus ancien site néolithique de France. Il a été daté du VIe millénaire avant notre ère. Pour la première fois, ses habitants, qui ont quitté grottes et abris pour s'installer en plaine et construire des cabanes, pratiquent l'élevage et l'agriculture. Ces premiers Provençaux se livrent déjà, comme le feront leurs lointains descendants, à l'élevage du mouton. Le troisième millénaire voit se multiplier les petites agglomérations.

De nombreux oppida marquent l'âge de fer. Un bon nombre de ceux-ci est connu, depuis la ferme-grenier de Coudounéu à Lançon ou le Baou Roux près de Roquefavour, jusqu'à la Cloche ou Constantine sur les hauteurs de l'Etang de Berre. Vers 600 ans av. J.-C., Massalia (Marseille) voit le jour avec l'arrivée d'un groupe de colons de Phocée (ville grecque d'Asie Mineure), alors à la recherche de débouchés dans le commerce de l'étain, nécessaire à la fabrique du bronze. La petite flotte phocéenne s'établit dans l'anse profonde du Lacydon avec l'accord des indigènes.

Très vite des comptoirs furent créés : Nikaïa (Nice), Théliné (Arles), Agathea (Agde) etc. En même temps que le commerce, la ville de Massalia développe des foyers de culture et d'enseignement qui drainent vers elle l'élite intellectuelle de l'époque. Si elle n'avait eu un tel rayonnement, elle n'aurait pu, au IVe siècle avant J.-C. lancer les expéditions d'Euthymènes vers le delta du Niger, le long des côtes d'Afrique et surtout celle de Pythéas parti à la recherche d'un éventuel passage vers la mer Noire pour ouvrir peut-être une autre route de l'ambre et de l'étain ; deux années d'efforts en vain.

Antiquité

Les Grecs, trop conquérants au goût des indigènes, s'attirent les hostilités. Ils font appel aux Romains pour les aider à maintenir leur assise. Rome voit là une bonne occasion de sécuriser la route qui mène en Espagne, pays qu'elle a déjà soumis. En 122 avant J.-C., le consul Caius Sextius Calvinus prend la capitale des Salyens, Entremont, et installe à quelques kilomètres de là, près d'une source thermale, un camp qui devient rapidement une ville : Aquae Sextias, les " eaux de Sextius " (Aix-en-Provence).

La présence romaine va s'accélérer avec l'arrivée de Jules César. La Provincia Romana, qui donnera son nom à la Provence, va peu à peu tomber sous la coupe du dictateur, qui assiège Marseille en 49 avant J.-C.

Malheureusement, César ne se contentait pas d'être un excellent général ; en rivalité avec Pompée pour le gouvernement de Rome, il pensait que des succès militaires lui donneraient plus de poids dans la péninsule. Il avait certes raison, mais le monde romain s'impliqua dans cette lutte fratricide, prenant parti pour l'un ou pour l'autre des protagonistes ; Massalia choisit et perdit car son soutien alla vers Pompée, le vaincu.

Toute la situation politique et économique bascula après ces événements, César étant rancunier ! La Provincia Romana eut pour capitale la ville d'Arles, qui lui avait été fidèle.

La Pax Romana, qui débute à ce moment-là et continuera pendant plus de trois siècles à régner sur la région, favorise le développement du commerce et des arts. Les grandes routes se succèdent : la voie Domitienne part de la frontière espagnole, longe la Méditerranée (site d'Ambrussum près de Montpellier), traverse le Rhône à Arles ou à Ernaginum (Saint-Gabriel), et suit l'actuelle Nationale 100 par Apt (Colonia Apta Julia), Sisteron (Segustero) et Briançon.

Elle porte le nom de Domitien Aenobarbus, son initiateur dont le souvenir nous est conservé par la tour Embarbe à Céreste (Alpes-de-Haute-Provence). Même chose pour la voie Aurélienne de Menton à Bordeaux par Fréjus, Aix, Arles et Narbonne. Nombreux sont les fragments qui sont parvenus jusqu'à nos jours, comme le superbe pont Flavien près de l'Etang de Berre, aux portes de Saint-Chamas. Ce n'est pas l'Empereur Aurélien qui donna son nom à la voie, mais C. Aurélius Cotta qui en 241 avant J.-C. avait développé son tracé.

Il est certain que dans un pays pacifié, aux communications faciles, la vie agréable se développe, on construit, on réalise, on s'installe : tout l'environnement provençal en est baigné, et nous vivons quotidiennement parmi ces vestiges. Le fameux Panem et circenses (du pain et des jeux) est illustré près d'Arles : la meunerie romaine de Barbegal près de Fontvieille (découverte par Fernand Benoît) n'est pas éloignée des Arènes et du théâtre antique d'Arles.

Non loin de là, la magnifique cité de Glanum, à Saint-Rémy-de-Provence, était un lieu de résidence privilégié dont l'entrée était marquée par un superbe Arc de triomphe ainsi que par un mausolée : on les connait sous l'appellation des Antiques. Citons encore, l'arc de triomphe d'Orange, ceux de Cavaillon ou de Carpentras. Les thermes faisaient partie de la vie courante, voyez à Arles ou à Gréoux (Alpes-de-Hautes-Provence).

N'oublions pas le théâtre d'Orange ou celui de Vaison-la-Romaine, où sous l'impulsion de l'abbé Sautel, toute une ville est ressortie de terre. On ne prête qu'aux riches, affirme-t-on, et dans notre région tous les ponts sont romains ; nous pensons que cette opinion est un peu exagérée, mais on peut tout de même leur attribuer sans hésiter la paternité du pont Julien sur le Calavon près d'Apt, du pont de Ganagobie près de Lurs en Haute-Provence, et surtout du pont de Vaison sur l'Ouvèze.

A la même époque se situe l'apparition du christianisme, venu de Palestine, qui se répand très vite dans tout l'Empire romain. La légende ne veut-elle pas que Marie-Jacobé et Marie-Salomé, deux chrétiennes proches de Jésus, soient arrivées avec leur servante Sara aux Saintes-Maries-de-la-Mer pour fuir les persécutions en Palestine ?

L'évangélisation connaît en tout cas un essor fulgurant et les clochers se dressent par centaines aux passages de Maximin et Marie-Madeleine vers la Sainte-Baume, Marthe à Tarascon, Lazare et Victor à Marseille, où la fondation d'une abbaye, face à la ville Antique de Massilia annonce un essor fulgurant de cette religion et de sa culture.

L'abbaye de Saint-Victor, fondée au Ve siècle, en est la source, et ses murs toujours debout accueillent chaque année les cérémonies de la Chandeleur ou le festival de musique.

Moyen-âge

Après la grande peur de l'An Mil, les champs virent fleurir d'admirables abbayes et d'émouvantes petites chapelles de campagne, toutes marquées du style roman, directement issu des monuments de l'époque romaine. Tout le monde connaît, au moins de réputation, les " Trois Soeurs cisterciennes de Provence ".

L'austérité voulue par saint Bernard s'accommode à merveille de la sobriété des formes géométriques très simples de ces abbayes que l'on ne doit en aucune façon ignorer lors d'un voyage ou d'un séjour en Provence : Sylvacane, près d'Aix-en-Provence, Sénanque, tapie dans un profond ravin sur la commune de Gordes, Le Thoronet enfin, près de Brignoles dans le Var, peut-être la plus belle des trois.

Il ne faut pas oublier lors d'une visite de ce cloître, de s'arrêter au lavabo des moines, rare construction du Moyen Age, qui a disparu dans les autres monuments. Sur le chapitre des abbayes, citons aussi Montmajour, près d'Arles. C'est un des plus attachants ensembles de l'architecture monastique par sa situation, sur un socle rocheux, ancien îlot au coeur des marécages que les moines asséchèrent eux-mêmes en construisant des canaux de drainage préalablement à l'abbaye. Le cloître du plus pur style roman n'est pas sans rappeler celui de Saint-Trophime d'Arles.

Des abbayes, nous passons aux églises. A celles d'Arles nous joindrons l'ancienne abbatiale de Saint-Gilles dont le portail richement sculpté rappelle également celui de Saint-Trophime. A cette explosion artistique du second millénaire correspondent évidemment de grands bouleversements historiques.

Le pays et ses habitants sortent de plusieurs siècles d'insécurité, parfois d'horreurs et de massacres dus aux grandes invasions. Parallèlement aux constructions religieuses initiées par le fort mouvement spirituel des communautés monacales, se développe une architecture civile et militaire, nécessaire aux combats de chefs. Malheureusement, si la paix extérieure était à peu près rétablie, les divers nobles de la région avaient alors toute liberté de lutter entre eux pour établir leur prépondérance.

La Provence a dès lors été tiraillée entre les comtes de Toulouse ou de Provence, puis la maison d'Aragon et celle d'Anjou ; sans parler de la croisade des Albigeois (causée par l'hérésie cathare) qui ne toucha que de loin notre région. Il ne faut pas oublier les Croisades dans ces combats.

Elles furent pour le Midi une source immense de richesses car les bords de la Méditerranée - et surtout Marseille - étaient les ports d'embarquement de tous les seigneurs de France et d'Europe : les Anglais, les Flamands et tout l'Empire germanique ont participé à ces guerres et sont passés par le Midi, achetant non seulement leur passage, mais beaucoup d'équipements, que leur fournissaient, en commerçants avisés, toutes les entreprises locales. Il est évident que tous ces seigneurs qui sur les terres lointaines avaient vu des constructions nouvelles et des habitudes de vies différentes voulurent les transposer à leur retour, dans leur vie de tous les jours.

De là sortit de terre toute une floraison de châteaux militaires, mais aussi d'agrément. Toutes les hauteurs en furent fleuries, ce qui explique la présence sur les collines de ces pans de murs aveugles où tournoient les corneilles. Oppède, Buoux, Boulbon, Roquemartine, ne sont plus que des ruines désolées... et les Baux ?

Tous les contrastes se retrouvent ici : un site sauvage, des ruines romantiques et l'évocation des combats " d'une race d'aiglons, jamais vassale, qui de la pointe de ses ailes a frôlé le sommet de toutes les hauteurs ", ainsi que les a présentés Frédéric Mistral. Dans le même site, vous rêverez de ces cours d'Amour, que tenaient les belles dames, Bertrande, Etiennette, Douce ou Gersende dans cette langue " qu'autrefois les reines ont parlée et jusqu'à présent, nos pâtres seuls comprennent ", toujours dixit Frédéric Mistral.

Et la Provence est couverte de ces châteaux d'agrément : leur état varie suivant la chance qu'ils ont eu de rencontrer un amoureux de leur site qui les a restaurés ou de demeurer dans une famille qui les a entretenus. Pêle-mêle voici Lourmarin, Barbentane, l'Empéri à Salon, Tarascon, Ansouis, La Barben, Vauvenargues, Valbelle près de Brignoles, Entrecasteaux, la Tour d'Aigues...

De la Renaissance à la Révolution

En 1482, après la mort du roi René, la Provence est rattachée à la France. C'est sans compter le caractère si fièrement frondeur de la région qui ne veut pas se soumettre au bon vouloir du roi de France. A la demande des Etats de Provence, Charles VIII s'engage d'ailleurs en 1486 à maintenir les privilèges de la Provence et à proclamer son union à la Couronne sans qu'elle soit " aucunement subalternée ".

Dès lors, les élites n'auront de cesse de défier le pouvoir royal. Lors des guerres de Religion, au XVIe siècle, ce n'est pas un hasard si la Provence accueille bon nombre de protestants, soutenus bien souvent par ses élites, pas insensibles à leurs idées...

Au siècle suivant, le parlement refuse d'enregistrer l'édit royal ne permettant plus aux Etats de Provence de lever l'impôt au profit des agents de la Couronne... Entre 1635 et 1720, ce ne sont pas moins de 266 insurrections qui éclatent en Provence ! Richelieu puis Mazarin musèleront la rebelle, les deux cardinaux n'étant pas prêts à laisser filer cette ouverture sur la Méditerranée... Mais la Révolution française donna encore l'occasion à la Provence d'élever la voix du désaccord : Marseille ne fut-elle pas rebaptisée " ville sans nom " en 1794 ?

De la Révolution au XXIe siècle

Le Second Empire fut une période faste. La technique vient en aide à l'agriculture : la création de nombreux canaux d'irrigation dans le comtat et la Provence développe une foule de cultures maraîchères que le chemin de fer, tout neuf, livrera à grande vitesse dans la région parisienne.

Ce même chemin de fer au service de Marseille, transportera partout les produits industrialisés traditionnels : les savons - dont la fabrication à Marseille remonte au XIIIe siècle par un procédé mêlant l'huile d'olive et le sel marin - et les huiles d'olives, produites dans la ville par une cinquantaine d'huileries, auxquelles il faut joindre la stéarinerie et le début du travail des graisses végétales que les navires des premières compagnies maritimes importent de la côte d'Afrique. Sans oublier le sucre des raffineries Saint-Louis (les seules du Midi de la France) et les tuileries de Marseille.

Ces activités florissantes entraînent la modernisation de Marseille : on perce la rue Impériale (devenue la rue de la République) en séparant l'ancienne butte des Moulins de celle des Carmes ainsi que la rue Colbert. On abat les quartiers vétustes entre le cours Belsunce et la Canebière où avaient subsisté des noms pittoresques comme la rue Pierre-qui-Rage, mais qui avaient été aussi le point de départ des dures révoltes de 1848.

Qu'importe ! On fait du neuf ! On va chercher sur la Durance de l'eau propre pour la ville de Marseille. Pour le passage de cette eau, on construit l'aqueduc de Roquefavour (inspiré du Pont du Gard et, encore aujourd'hui plus grand aqueduc en pierre du monde avec ses 400 mètres de long et ses 83 mètres de haut !) et on élève sur la colline de Longchamp, un vaste château d'eau flanqué d'une galerie semi-circulaire et de deux corps de bâtiments en pierre de Calissanne : les musées des Beaux-Arts et des Sciences naturelles.

L'architecte de Roquefavour était Franz Mayor de Montricher, celui du Palais Longchamp, Espérandieu, à qui on doit également la basilique Notre-Dame-de-la-Garde, la Vierge ou la " Bonne Mère ", comme l'appellent familièrement les Marseillais.

Dans le même style romano-byzantin, Espérandieu a signé aussi la cathédrale Notre-Dame-de-la-Major. Vaste, ornée de brillantes mosaïques renforçant son caractère méditerranéen, elle trouve sa place au milieu des ports, sur un site millénaire illustrant parfaitement la vocation de la ville.

Mais la capitale provençale n'est pas la seule à profiter de cette prospérité. A Fontvieille, dans les Alpilles, l'exploitation des carrières s'intensifie. Ces pierres blanches traversent les continents et les océans car elles correspondent au style de construction de l'époque : le style haussmannien. A quelques kilomètres de là, Saint-Rémy-de-Provence, dont la richesse est liée au commerce de semences, est la première ville des Bouches-du-Rhône à disposer de l'électricité en 1899.

De nos jours

Après la chute de l'Empire et sous la IIIe République, l'industrialisation se poursuit. Le dur travail du savon et du sucre est accompli par les nombreux immigrés attirés par la prospérité de la ville : Italiens dans les années 1900, ou 20 ans plus tard, par les Arméniens.

Ces deux nationalités, deux décennies plus tard, sont assimilées par Marseille comme d'ailleurs, toutes celles, qui, au fil des âges, ont formé la population de la cité. Deux éléments de la vie quotidienne ont facilité cette assimilation : en premier, la pétanque, jeu de boules inventé au début du siècle qui a conquis la planète entière ; le second, le football, pratiqué depuis plus d'un siècle (l'O.M. a été fondé en 1899 !).

La Première Guerre mondiale stoppa, comme partout en France, durablement l'économie, même si les constructions navales et les premières raffineries de pétrole autour de l'étang de Berre voient le jour dans les années 1930. Neuf ans plus tard, la France entre à nouveau en guerre. Après la débâcle de 1940, la Provence, en zone libre, va être une des zones essentielles de la Résistance. C'est là qu'en 1942 Jean Moulin se fait parachuter pour organiser les rangs. Deux ans plus tard, le débarquement du 15 août 1944 reste l'un des retournements majeurs de la Deuxième Guerre mondiale.

Après l'essor des Trente Glorieuses, la Provence va connaître, comme le reste de la France d'ailleurs, une longue traversée du désert, marquée par un chômage important. Mais l'essor du tourisme relance l'économie. La diversité de ses paysages, le climat, la richesse de son patrimoine font de la Provence la destination préférée des touristes français et étrangers.

Chaque année, ce sont plus de 35 millions de vacanciers qui posent leurs valises dans le Midi. Certains définitivement. Car la Provence, c'est aussi l'une des régions au plus fort solde migratoire. Sous l'impulsion de pôles de compétitivité à la pointe dans les nouvelles technologies, l'agroalimentaire, l'aéronautique mais aussi de grands chantiers tel qu'Euroméditerranée ou Marseille capitale européenne de la culture, la Provence regarde l'avenir avec sérénité.

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Date de dernière mise à jour : 30/03/2016